François Biltgen, Discours à l'occasion de l'inauguration de Lu-Cix

Mesdames, Messieurs,

C’est avec un immense plaisir que j’ai accepté l’invitation pour l’inauguration de Lu-Cix. Le fait que cette inauguration ait lieu dans les locaux de eBRC, dans un des data centers les plus prestigieux en Europe, filiale de l’Entreprise des Postes et Télécommunications, illustre la capacité d’innovation du secteur TIC au Luxembourg et de l’EPT en particulier. Le Luxembourg offre en effet un choix de qualité en matière d’infrastructures de haut débit avec la particularité que les deux réseaux Luxconnect et Teralink sont opérés par la main publique. Ces deux réseaux ne sont pas concurrentiels mais complémentaires.

"The Internet is a vibrant platform for innovation, investment and creativity, an enduring engine for job creation and economic growth".

Je viens de citer Julius Genachovski, président de la FCC (Federal Communications Commission), qui est le régulateur du secteur aux Etats-Unis.

Je suis persuadé que ce qui est vrai pour les Etats-Unis, doit encore l’être plus pour le Luxembourg.

En effet, les enjeux liés à l’Internet sont particuliers pour le Luxembourg et son économie. L’économie luxembourgeoise est une économie de services qui repose fortement sur l’utilisation de ces technologies. Le secteur bancaire ne pourrait pas exister sans spécialistes en informatique et en réseautique, sans prestataires informatiques, sans centres de données, sans connexions vers l’étranger. Le volume de données numériques qui sont traitées et qui circulent sur les réseaux s’accroît de manière quasi exponentielle et les entreprises ont besoin de structures sans cesse plus performantes pour pouvoir traiter ces données de manière sécurisée. La sécurisation des données est un élément-clé surtout pour la place financière.

Ces services ont besoin de manière croissante de technologies de l’information et de la communication. La production, l’organisation et la circulation de données numériques sont au centre du fonctionnement efficace de l’économie numérique. Le Luxembourg étant un grand centre financier international et un important média hub, le succès futur et les chances de diversification de ces secteurs dépendent largement de la qualité des réseaux de communications aussi bien nationales qu’internationales.

Une infrastructure IT à la pointe du progrès fait donc avancer l’économie, surtout lorsqu’il s’agit d’une économie de services et que la demande pour davantage de bande passante et de capacité de stockage va croître rapidement, comme nous le savons tous.

Et ce qui est vrai en temps normaux, est encore plus vrai en temps de crise. Les investissements en cours de réalisation dans les infrastructures de communication nous permettront de renforcer la compétitivité de notre économie.

J’ai délibérément choisi l’inauguration de Lu-Cix pour une première apparition en public en ma qualité de Ministre des Communications et des Médias « bis ». J’estime en effet que l’inauguration de Lu-Cix représente une étape-clé de notre vision commune de faire de notre pays un carrefour de l’Internet et des efforts entrepris depuis une dizaine d’années pour diversifier le secteur des médias et des communications.

En jetant un bref regard en arrière, je constate en effet une évolution considérable du secteur au Luxembourg.

J’y distingue trois phases importantes:

  • La phase de l’exploration des idées et de l’initiation des premiers projets (2000-2004);
  • La phase de la construction des autoroutes et de la mise en place des centres de données (2004-2009);
  • La phase du développement des services et de l’extension continue des infrastructures, qui débute aujourd’hui.

En effet, en 1999, lors de mon premier passage au Service des médias et des communications, en termes de TICs, le Luxembourg ressemblait à un « nowhere’s land ». On ne parlait ni de e-Government, ni d’autoroutes de l’information, et très peu encore de concurrence au niveau des infrastructures. C’est néanmoins dans ce contexte que le Gouvernement de l’époque a fait preuve de prévoyance en créant un ministère "de la convergence", c’est-à-dire en combinant les compétences pour les médias et les communications dans une seule administration. Le Luxembourg était le premier pays à opter pour la création d’un ministère de la convergence entre le contenu et le contenant. C’était en 1999, lorsque j’ai repris le portefeuille de ministre des Communications.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, la convergence se retrouve partout, avec les téléviseurs reliés à Internet, les téléphones portables capables de recevoir la télé et la radio et bien d’autres choses.

Eh oui, nous avions vu juste à l’époque et cette mise en commun de compétences au niveau de l’administration a permis de bien préparer le terrain, ensemble avec vous tous. Les résultats sont aujourd’hui palpables.

Je me rappelle encore avoir visité en 1999 eBay, Yahoo, Apple, et bien d’autres en Californie, ensemble avec mes collaborateurs du SMC. Ces entreprises venaient de sortir du statut de start-up et leur effervescence m’a inspirée de manière durable.

Je n’imaginais pas que dix ans plus tard, j’allais en retrouver plusieurs à Luxembourg!

En effet, à l’époque, l’on se concentrait trop sur les équipements informatiques et l’on négligeait le développement des services en ligne. On avait tendance à penser qu’il suffisait de mettre des ordinateurs partout, dans les administrations, dans les bureaux, dans les écoles, dans les foyers, pour que le monde change et que la société numérique se mette en place. Aujourd’hui, nous avons appris que cette approche était trop restrictive.

Ensuite, en 2000, dans le cadre de la stratégie dite "de Lisbonne", nous développions un programme ambitieux, menant peu à peu à la naissance d’e-Governement, avec la mise en place d’eLuxembourg, et au début de la construction des infrastructures.

Après ce "temps des pionniers", suivait le temps du développement rapide de ce qui avait été initié auparavant. Cette période du développement des infrastructures était surtout marquée par l’action menée par le ministre Jean-Louis Schiltz qui a repris le flambeau en 2004. Ayant compris l’enjeu stratégique, il a développé et mis en oeuvre l’initiative Luxconnect, accélérant, en passant, la mise en place de Teralink. Je voudrais lui rendre hommage ici. Ces deux initiatives du secteur public, ensemble avec celles du secteur privé, positionnent aujourd’hui notre pays sur l’échiquier des technologies de l’information et de communication en Europe.

Aujourd’hui, nous nous situons au début d’une nouvelle ère, comportant le défi de mettre à profit les infrastructures mises en place. La mise en commun sous la tutelle du même Ministre, par ailleurs Ministre de la Justice, du Service des Médias et Communications et du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, marque pour ainsi dire le premier coup de bèche à la construction d’un réel Ministère de l’avenir qui permettra non seulement une anticipation continue des besoins futurs, mais surtout sa réalisation intelligente et concrète par la concentration de toutes les compétences requises dans ce domaine. Ces synergies contribueront à une mise en oeuvre rapide de nos objectifs.

Mesdames, Messieurs,

je suis aujourd’hui particulièrement fier de pouvoir affirmer: "Luxembourg is now on the map", et j’en viens à Lu-Cix.

Je laisse évidemment aux spécialistes le soin de vous expliquer toutes les finesses technologiques et tout le potentiel de Lu-Cix.

Trois points méritent cependant d’être mis en avant:

1) Lu-Cix est la clé de voûte de notre initiative commune visant à enraciner le Luxembourg fermement sur la carte des autoroutes de l’information et partant de l’Internet. Notre compétitivité en sera sensiblement renforcée.

2) Lu-Cix est un bel exemple, qui j’espère servira de « best practice », de collaboration fructueuse entre opérateurs et acteurs du secteur qui tout en étant souvent concurrents ont reconnu la nécessité de créer cette synergie inéluctable aux développements technologiques ultérieurs. En fin de compte, elle leur servira tous. L’intérêt général en profitera par-dessus tout, puisque Lu-Cix contribuera à un marché plus concurrentiel et plus ouvert.

3) Capitale de l’Europe depuis la Deuxième Guerre Mondiale, le Luxembourg a d’abord été centre d’excellence de la sidérurgie, puis une place financière de taille. Maintenant nous avons l’ambition de devenir un haut lieu de la société et de l’économie numérique.

Une question-clé est celle de savoir si notre secteur des communications électroniques est compétitif au niveau international.

Beaucoup a été dit et écrit à ce sujet ces derniers jours. Et bien, laissons juger les spécialistes:

Je voudrais ici citer le dernier rapport européen sur la compétitivité numérique i2010 que la Commission européenne a publié en août 2009. La Commission note que beaucoup de paramètres concernant le Luxembourg se situent significativement au-dessus de la moyenne européenne. Nous sommes ainsi en tête de peloton dans cinq domaines (couverture du haut débit, couverture des zones rurales, utilisation du wireless Internet, utilisation de l’Internet à des fins de formation et pourcentage des travailleurs avec des connaissances en TICs). Qui plus est, nous nous situons dans le Top Ten en ce qui concerne 35 des 50 paramètres analysés.

Par ailleurs, l’Union international des Télécommunications (UIT) a publié en mars 2009 un "ICT Development Index". Notre pays figure en troisième position parmi 150 pays.

Nos efforts ont donc réellement porté des fruits alors que les indicateurs étaient nettement moins bons il y a quelques années, comme vous vous en souviendrez sans doute.

Je suis cependant d’avis que tout benchmarking, si favorable soit-il, n’est qu’une photo, et ne reflète donc rien d’autre que l’instant retenu par le benchmarking même.

Nous avons ainsi réussi à bien nous positionner! Mais est-ce que nos atouts sont suffisamment connus? Je pense que nous devons redoubler d’efforts dans la promotion et la prospection. Luxembourg for ICT et les initiatives du secteur privé vont certainement dans le bon sens et l’Internet permet de présenter nos atouts au monde entier.

Toutefois, rien ne vaut un bon réseau de contacts. Ensemble avec le Ministre de l’Economie, Jeannot Krecké, nous allons étudier comment nous pouvons nous positionner encore mieux.

Cet exercice ne sera efficace que si nous procédons ensemble avec le secteur privé, alors que nos intérêts sont tout à fait convergents.

Mesdames, Messieurs,

Le secteur des communications, dois-je le souligner devant une communauté de spécialistes, est en mutation rapide et la concurrence est omniprésente.

C’est la raison pour laquelle nous procédons à des intervalles réguliers à des études et évaluations sur l’environnement compétitif. Je voudrais dans ce contexte vous lancer l’appel de vous joindre à nous pour mener à bien cet exercice régulier d’évaluation et de nos forces et de nos faiblesses.

J’aimerais vous esquisser quelques unes de mes vues sur les actions que j’entends mener dans les années à venir. Laissez-moi vous esquisser quelques priorités:

Première priorité: continuer l’extension des infrastructures

  • Nous continuerons à développer les infrastructures de communications. Ces réseaux sont le système nerveux non seulement de notre économie, mais également de la société que je qualifierais de société numérique.
  • Dans ce contexte, une importance cruciale reviendra aux réseaux mobiles. Nous allons trouver l’équilibre judicieux entre l’incontournable déploiement des réseaux et les considérations liées à la qualité de vie.
  • Tout sera mis en oeuvre afin que les zones d’activité économiques vont avoir accès rapidement au très haut débit.
  • Le déploiement de la fibre optique jusque dans les foyers devra être accéléré.

Deuxième priorité: développer l’offre de services

  • Il est bien connu que, en développant l’infrastructure et en augmentant la bande passante, on favorise l’accès à de nombreux nouveaux services et à de multiples sources d’informations. Encore faut-il que ces services se développent ou que l’offre de service existante soit adaptée au potentiel qu’offre Internet.
  • J’entends rappeler ici l’initiative eLuxembourg que j’ai personnellement lancée en 2001, qui, après quelques turbulences de l’enfance, atteint aujourd’hui ses objectifs dans de nombreux domaines.
  • Eh bien, j’entends relancer les administrations et services de l’Etat surtout dans une logique de simplification administrative.
  • L’archivage électronique et la numérisation sont considérés comme prioritaires.
  • J’entends examiner avec vous les effets potentiels du « cloud computing » et de la virtualisation sur l’économie luxembourgeoise. J’y vois plutôt un potentiel qu’un risque à condition de nous y consacrer sans perdre de temps.
  • Les TICs sont appelées à jouer un rôle primordial en matière de développement durable. Green ICT ne restera pas une notion vide de signification. Nous allons oeuvrer à rendre les TICs elles-mêmes plus vertes – et la virtualisation en est un facteur. Là-aussi je compte approfondir les idées qui ont déjà été présentées par plusieurs d’entre vous.
  • C’est dans ce même ordre d’idées mais également en vue de contribuer à accroître la compétitivité du pays, que j’ai fait inscrire, sur suggestion de Jean-Louis Schiltz, le secteur IT parmi les sept priorités du programme national de recherche. Nous allons sensibiliser nos jeunes aux métiers liés au secteur des TIC et la recherche peut y contribuer.
  • De nombreux métiers nouveaux, liés aux technologies de l’information et de la communication vont voir le jour. C’est un défi majeur pour les deux membres du Gouvernement en charge du ressort de l’éducation. Pour ma part, je viens d’aviser mes quatre départements en charge du dossier (SM&C, Justice, Fonction publique et ESR) de se concerter sans délai, aux fins de faire des propositions concrètes à ce sujet.

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi en guise de conclusion d’exprimer mon fort attachement à l’éclosion d’une société numérique basée sur la liberté d’accès et la responsabilisation de tous, prestataires de services et utilisateurs.

L’impact des TICs sur le comportement des individus en tant qu’acteurs économiques mais également en tant que personnes privées sera plus que significatif au cours des années à venir. .

Laissez-moi développer un certain nombre de réflexions sur les enjeux de la société numérique. Je dis bien « société » numérique et non pas "économie" numérique. A mes yeux, l’économie n’est qu’un moyen au service du développement de la société.

Je rêve d’une société numérique basée sur la liberté d’accès dans un cadre responsable.

Dans ce contexte, le principe doit être la liberté. La sécurité doit rester l’exception. Elle doit être a mise en oeuvre prioritairement par la responsabilisation de tous les acteurs, que ce soient les prestataires de services, mais aussi les utilisateurs eux-mêmes. Ce n’est qu’en dernier lieu que le législateur, notamment européen, doit fixer des restrictions.

La liberté doit également être protégée. Je constate cependant que nous vivons dans un monde où d’un côté, on demande à juste titre une protection accrue de la vie privée, alors que de l’autre côté, il y a une forte tendance de la part des utilisateurs de révéler de plus en plus de données personnelles sur les sites de réseaux sociaux ou autres.

Ce phénomène ne peut point être contrôlé de façon optimale par des interdits, mais d’abord par une responsabilisation accrue de tous les acteurs. A cet égard je soutiens toutes les initiatives de mes collègues au gouvernement tendant à informer, voire éduquer les utilisateurs.

Je soutiens enfin entièrement l’idée d’un Internet ouvert, d’un Internet libre et neutre. Dans ceci je rejoins d’ailleurs parfaitement la commissaire Reding quand elle explique que: "…the telecoms package (…) will give the European Commission and national regulators new instruments to ensure that the net will be open and neutral in Europe. This is a very important, and often underestimated achievement of the reform (…). [Europe should] make good use of these new tools for enhancing net neutrality."1

Vous constaterez que des défis importants nous attendent et que les initiatives relèvent de différents portefeuilles ministériels.

Dans la mesure où je cumule les ressorts de la justice, des communications et médias, de la recherche, de l’enseignement supérieur, de la fonction publique et donc les technologies de l’information liés aux services offerts par l’Etat, je suis effectivement en position utile pour veiller à une coordination efficace des différents chantiers et priorités.

Dans ce contexte je compte bien évidemment sur votre collaboration fructueuse.

Je vous remercie.

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