François Biltgen, Discours à l'occasion de la célébration du 25e anniversaire de la SES, Luxembourg (Philharmonie)

Altesses Royales, Excellences, Mesdames, Messieurs,

"Per aspera ad astra" (par des sentiers ardus jusqu'aux étoiles): Cet adage si souvent utilisé pour parler de la réussite du projet SES-Astra, caractérise fort bien l’époque à laquelle est née il y a bien plus de 25 ans, l’idée du projet. C’était la fin de la crise sidérurgique. Arbed, qui a failli voir la faillite, a été sauvée par les deniers publics et est devenu aujourd’hui le géant mondial Arcelor Mittal. Mais les finances publiques étaient exsangues, malgré l’effort de solidarité demandé à tous nos concitoyens, effort nettement plus élevé que tout ce dont on parle aujourd’hui.

A cette époque là, Pierre Werner, qui était à la fin de son dernier mandat de Premier Ministre, allait agir pour faire sortir le Luxembourg de l’ère industrielle et mener son pays à l’ère de la société de l’économie des services.

Certes l’idée de doter le pays de satellites datait. L’idée était effectivement de permettre à RTL de diffuser ses chaînes de radio et de télévision par voie satellitaire en Europe. En 82, alors que RTL rechignait à saisir l’opportunité de son propre projet de satellite Luxsat, un satellite à l’instar des satellites prévus en France et en Allemagne, satellites lourds, à très haute puissance, cette idée initiale de satellite était abandonnée par Pierre Werner qui avait été inspiré et voulait introduire en Europe cette nouvelle technologie - révolutionnaire pour l’Europe, pas pour les Etats-Unis - des satellites dits télécoms de moyenne puissance.

Il s’en suivit un tollé général en Europe. Les actionnaires de RTL étaient parmi ceux qui firent pression, également beaucoup de gens de la presse, critiquaient ce projet. En France notamment on le qualifiait de projet de "satellite Coca Cola", le comparant à une sorte de cheval de Troie, qui, comme jadis à Troie, allait détruire toute une culture.

Il n’en fut rien. Pierre Werner n’a pas cédé, et à l’issue des élections de 1984 son successeur Jacques Santer non seulement a cru à l’idée, mais surtout a eu le courage de recentrer, de repositionner le projet, et ce projet qui initialement était connu sous le nom de GDL Coronet, a finalement trouvé son nom définitif, et encore usuel aujourd’hui, la Société européenne des satellites. Jacques Santer a voulu ainsi montrer très clairement l’ambition européenne de ce projet.

A l’époque, je fus jeune secrétaire parlementaire et j’assistais à la première des nombreuses négociations gouvernementales, et je peux témoigner des discussions très rudes, très longues, très âpres, qu’on avait sur le projet de satellite, sur le futur projet de la Société européenne des satellites.

Jacques Santer a su tourner la page et continuer avec un projet bien ficelé, mais il ne fut pas au bout de ses peines.

Comme souvent au Luxembourg, les investisseurs privés, notamment dans le cercle des banques, avaient peur d’investir dans un projet qu’ils qualifiaient, à juste raison d’ailleurs, "à très haut risque". Ainsi il fallut l’appui de la SNCI, et aussi de la Banque et Caisse d’Epargne, et il fallut finalement également l’appui politique de la Chambre des Députés qui vota une loi de garantie portant sur 3,6 milliards de francs.

Lorsqu’en décembre 1988 fut lancé le premier satellite ASTRA, Jacques Santer et son gouvernement savaient qu’ils avaient joué gros, mais le risque valait la chandelle. Le premier satellite allait être suivi par une quarantaine d’autres, et on en verra encore! Espérons que le prochain satellite sera enfin lancé dans les prochaines semaines!

J’aimerais aussi revenir sur une petite parabole que René Steichen a déjà utilisée, à savoir que le succès comporte beaucoup de pères.

Effectivement il peut y avoir souvent beaucoup de pères qui se réclament le géniteur de l’enfant, mais il n’y a toujours qu’une seule mère. Oserais-je dire que Jacques Santer est la mère du projet SES ASTRA? Je n’irai pas aussi loin, mais je vois que le projet a quand même généré beaucoup d’enfants.

J’aimerais quand même non seulement remercier Jacques Santer, après Pierre Werner, j’aimerais aussi remercier tous ceux qui ont inspiré et conseillé Pierre Werner et Jacques Santer: Candace Johnson, Adrien Meisch, Corneille Bruck, Charles Dondelinger, Paul Zimmer et beaucoup d’autres. J’aimerais aussi remercier les Présidents de SES, Jean Dupong, Pierre Werner et René Steichen, les directeurs généraux Pierre Meyrath et Romain Bausch.

J’aimerais encore remercier les gouvernements successifs qui ont toujours accompagné le projet, surtout Jean-Claude Juncker, dont j’aimerais excuser l’absence ce soir, mais qui, non seulement, mais surtout à l’occasion de la grande fusion, qui a mené à la création de SES Global, a joué de toute son habilité diplomatique et politique pour faire aboutir ce projet à bon port.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Nous pouvons l’affirmer, il n’y aurait pas de SES sans l’Etat luxembourgeois, mais aujourd’hui et demain SES sert et servira bien les desseins du gouvernement et de l’Etat luxembourgeois.

Déjà, il y a 25 ans, nous avons espéré qu’autour de SES, au site de Betzdorf, allait naître toute un zone d’activités. Bientôt cette zone d’activités sera remplie, et bien remplie, avec des data centers et avec beaucoup d’autres sociétés de services.

Depuis l’adhésion à l’ESA en 2004, nous avons également su construire autour de la SES toute une économie de l’espace, avec une douzaine d’entreprises actives. Je n’aimerais citer que les trois antennes destinées à suivre le système Galileo comme un succès de cette politique de l’espace du Luxembourg.

Et si, il y a cent ans, la richesse du Luxembourg se trouvait dans son sous-sol, si ces dernières 30, 40 années ont été caractérisées par ce qu’on appelle les niches de souveraineté, l’avenir du Luxembourg, que nous sommes en train de construire, sera façonné par les niches de compétences. Les investissements massifs de l’Etat dans la recherche et dans l’innovation ainsi que dans l’enseignement supérieur sauront ouvrir aujourd’hui de nouvelles perspectives à notre pays notamment dans l’industrie de l’espace et dans l’économie numérique. Grâce à la recherche, SES a pu par exemple développer le succès d’un projet tel que SATMODE devenu ASTRA2CONNECT. Et les investissements de SES dans l’axe de recherche Security and Trust et la création d’une chaire de l’espace à UNI.LU sont porteurs d’avenir.

Mais les satellites joueront p. ex. aussi un rôle dans la politique de coopération du Luxembourg.

Altesses Royales, Mesdames, Messieurs,

L’Etat a été et demeure sinon le, du moins un des actionnaires de référence de SES. D’aucuns l’ont regretté, pensant que la sortie de l’Etat du capital "boosterait" les cours des actions en bourse. Ce fut avant la crise financière! Je ne sais donc pas si ces personnes ont raison, mais je sais que les cours en bourse sont solides. Les actions de SES ne sont peut-être pas des valeurs spéculatives mais de sérieuses valeurs d’investissement. Et je crois que la présence d’un actionnaire stable comme l’Etat s’est avérée bénéfique pour la société. L’investissement de l’Etat dans SES s’est aussi avéré bénéfique pour le pays. Dès lors il n’y a aucune raison pour laquelle l’Etat ne devrait pas rester durablement présent dans le capital de SES. Il entend rester actionnaire de référence sur le long terme.

La présence de l’Etat a aussi garanti au projet sa dimension européenne. SES a rapporté des milliards de chiffres d’affaires à l’industrie européenne en commandant des satellites et des lanceurs et en créant "ex nihilo" (à partir de rien) le marché de la réception directe par satellites entraînant la fabrication et l’installation d’antennes et de décodeurs par de nombreuses PME européennes. Voilà bien la revanche de l’histoire: le soi-disant projet de satellite coca-cola est devenu un moteur de l’économie européenne.

Altesses Royales, Mesdames, Messieurs,

"We have to put Luxembourg on the map": une phrase que nous répétons souvent. SES non seulement a mis le Luxembourg sur la carte terrestre, mais sur celle de l’espace. Et la dimension du pays dans l’espace est nettement plus grande que celle sur la terre. Même si nous fêtons aujourd’hui 25 ans de succès, alors que le pays se trouve à nouveau devant des défis importants, ne regardons pas en arrière, ne baissons pas les yeux mais levons les yeux vers le ciel et l’avenir.

L’aventure spatiale du pays n’est pas encore terminée.

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